Le rôle élargi, c’est quoi?

Tu es une infirmière d’expérience? Tu aimes les défis et tu commences à trouver que les journées dans ta bonne vieille salle d’urgence sont répétitives? Peut-être est-il temps pour toi de pousser ta pratique encore plus loin et d’aller faire ta formation en rôle élargi (RÉ). Qu’est-ce que c’est exactement? Anaïs, une infirmière fervente d’aventures, a tenté l’expérience et t'aidera peut-être à déterminer si cette formation est faite pour toi. Pour avoir encore plus de détails sur le processus, vas écouter l’entrevue complète avec Anaïs, disponible au bas de la page.



Premièrement, qu’est-ce que la formation en rôle élargi?

C’est une formation très intensive qui est donnée sur 4 semaines via des écoles de formation privées. Bien que ces écoles soient aussi des agences de placement privées, la formation est reconnue et accréditée par l’OIIQ. Le cours permet aux infirmières de développer des compétences d’évaluation et de prise en charge très vastes, leur permettant de travailler dans des milieux de soins donnés de façon presque autonome. Cette formation sera donnée par un éventail de professionnelles de la santé tel que des médecins, sages-femmes et infirmières en rôle élargi. La qualité et le contenu des cours peuvent varier alors il importe de bien questionner son réseau pour déterminer quelle école est faite pour toi.



Pourquoi cette formation a-t-elle été créée? 

Le Québec est tapissé de petites communautés isolées qui, elles aussi, ont besoin d’avoir accès à des soins de santé. Cependant, la taille de leur population ne justifie pas toujours la présence permanente d’une médecin et c’est là que les infirmières spécialement formées en rôle élargi entrent en jeu. Dans plusieurs villages de la Côte Nord et du Grand Nord, on retrouve des dispensaires de soins dans lesquels les services de santé sont assurés par ces infirmières polyvalentes.



Quels sont les prérequis pour faire son rôle élargi?

-Un DEC en soins infirmiers

-Un minimum de deux ans d’expérience de travail

-Un an minimum en soins critiques (urgence, soins intensifs, etc.)

-Bonus: Une bonne maîtrise de la langue anglaise

-Bonus #2: Une bonne capacité d’adaptation culturelle


Sans oublier qu’avec les besoins du réseau, certaines employeures peuvent être plus flexibles sur les prérequis.



Comment se déroule la formation?

Il importe premièrement de choisir l’école qui convient le plus à tes besoins en considérant, par exemple, l’emplacement des cours et la qualité de la formation. Anaïs, elle, a recceuilli les commentaires de son entourage et a choisi un cursus en présentiel donnée par une médecin, une infirmière en RÉ et une sage-femme.  La formation est divisée selon les systèmes du corps humain et utilise la méthode d’évaluation SOAP (Subjectif, Objectif, Analyse, Plan), déjà utilisée en médecine. Donc, oublie ton évaluation «tête-pieds»! Il faut réapprendre à évaluer la clientèle. Pour la formation donnée en présentiel, la pratique fait partie intégrante des journées et plaira aux plus visuelles. «On allait apprendre à faire l’auscultation cardiaque pour tous les groupes d’âge et on se pratiquait un après l’autre. La professeure qui était là nous corrigeait tout de suite sur notre façon de faire donc c’est vraiment actif.» Chez les étudiantes ayant plus de difficulté à intégrer les concepts, les professeures d’Anaïs ciblaient rapidement les besoins et offraient plus de soutien si nécessaire. Le but de cette formation, c’est la réussite mais il faut s’y consacrer sans exception du début à la fin.

Les étudiantes sont évaluées tout au long du parcours par deux examens théoriques, quatre travaux écrits et un examen pratique sous forme de mise en situation filmée. 


Combien coûte une telle formation?

Je ne le cacherai pas, c’est une formation qui peut couter assez cher. On parle ici de plus d’une dizaine de milliers de dollars en plus du fait de devoir s’absenter du travail pendant un mois complet. Si tu es intimidée par le prix, saches que certaines agences de placement privées paient la formation (ou une partie de celle-ci) en échange de quelques mois travaillés à leurs côtés. Ce n’est qu’après avoir travaillé ce temps obligatoire que tu pourras changer d’agence de placement si tu le désires.




Tu ne veux pas travailler en agence?

Pas de problème! Tu peux rester dans le réseau public en appliquant au Conseil Cris, au CSI (Centre de Santé Inuulitisivik) de la Baie d’Hudson ou au Centre de Santé de la Baie d’Ungava. Cependant, si un de ces centres paye ta formation, tu leur devras un an, et même plus, de travail en échange. C’est un pensez-y bien!




Après toutes ces dépenses, est-ce qu’il y a un avantage à faire son rôle?

«Oui mais je dois dire une chose avant tout. Il ne faut vraiment pas faire ça pour l’argent parce que c’est certain qu’en bout de ligne, vous allez être malheureux» dit Anaïs.

Grosso modo, au Nord, une infirmière qui a son RÉ et qui travaille pour une agence de placement gagnera environ 10 à 15$ de l’heure de plus qu’une infirmière n’avant pas sa formation mais qui travaille tout de même pour une agence. Si on la compare avec une infirmière au public qui travaille en soins critiques, on parlera du double du salaire lorsque toutes les primes et les heures de garde sont comptabilisées. C’est quand même intéressant!




À quoi ressembleront tes responsabilités suite à la formation?

Dans les territoires où l’infirmière peut appliquer son rôle élargi, la prise en charge de la clientèle est presque complète car les patientes peuvent vivre un séjour complet au dispensaire sans jamais être évaluée par une médecin. Sans poser des diagnostics certains, l’infirmière posera des diagnostics probables et différentiels. Ensuite, elle appliquera un traitement en fonction d’une foule d'ordonnances collectives. «On ne peut pas décider par nous même sans références. On est vraiment outillées avec les OC et on ne peut pas inventer des traitements». L’infirmière peut aussi réaliser des techniques réservées normalement aux médecins comme la suture d’une plaie ou l’intubation d’urgence. Comme elle réalise des actes découlant de ses propres évaluations, elle doit réaliser le suivi et consigner les notes en conséquence. Par contre, quand les actes sortent de son champ de compétences, les médecins entrent en action. Où sont-elles? Parfois sur place, parfois au bout du fil! Pour les communauté de plus de 1000 habitants, il y a toujours une médecin sur place lors des heures ouvrables du dispensaire. Dans les plus petits villages, il n’y en aura pas du tout. Donc, qui est-ce qu’on appelle quand on a besoin de support?  «À chaque jour, dans un centre désigné, il y a un médecin de garde juste pour les dispensaires. Lui sa job, c’est d’être dans un bureau et de répondre aux appels des infirmières de tous les villages. Il est vraiment juste disponible pour nous autres.» 

Est-ce que c’est possible d’utiliser ses nouvelles compétences ailleurs qu’au dispensaire?

Ben non! Ce n’est pas parce que tu as appris à faire des décompressions thoraciques ou des points de sutures que tu peux en faire lors de ton retour en ville. Les actes sont régis par des conventions spécifiques au Nord et ne peuvent être réalisés que dans le cadre de ton travail au dispensaire.


À quoi peuvent ressembler les journées en dispensaire?

Les journées se ressemblent dans un petit village. Où travaillait Anaïs, par exemple, chaque jour de la semaine avait sa fonction. Le lundi matin était réservé aux prises de sang et autres labos alors que l’après-midi était une clinique de sans rendez-vous pour tous les maux et pour tous les âges. Une autre journée était réservée aux suivis de grossesse, une autre pour les suivis pédiatriques, etc. La taille de l’équipe peut varier en fonction de la taille du village et on peut retrouver de 2 à 6 infirmières qui se partagent les tâches quotidiennes et les urgences.



Comment fonctionnent les gardes?

Du lundi au vendredi, la clinique est ouverte de 9h à 17h. Hors des heures ouvrables, les infirmières en rôle élargi sont de garde. La première infirmière de garde aura un téléphone sur elle et répondra à tous les appels de la population. Elle aura parfois à se déplacer au centre ou répondra simplement à des questions. Si elle a besoin de renfort, elle appellera la deuxième infirmière de garde qui a pour rôle de l’appuyer dans ses soins. Lors des premières journées dans un milieu, pour te familiariser aux gardes, tu seras toujours deuxième de garde et la première infirmière t'informera de tous les appels. C’est donc une introduction douce à un rôle qui peut t’être nouveau.



Quelles formations sont pertinentes pour bonifier tes compétences avec ou sans ton RÉ?

  • ACLS (Advanced Cardiac Life Support) est conseillé pour répondre plus efficacement aux situations de réanimation cardiaque. Cette formation dure deux jours.

  • La formation EPICC (Emergency Practice Intervention and Care Canada) qui t’apprend à être le plus efficace possible dans tes soins lorsqu’une clientèle donnée se présente devant toi. Tu peux suivre la formation pédiatrique ou adulte.



Tu as maintenant envie d’aller chercher ton rôle élargi?

You go girl!

Anaïs te conseille préalablement d’aller chercher le plus d’exposition possible, et ce, chez toutes les clientèles. Il importe aussi de comprendre quel genre de personne et d’infirmière tu es et donc de réaliser une petite introspection pour voir si tu as vraiment la personnalité et les compétences pour chausser de telles bottines. Les traits de personnalités qui sont souvent observés chez les infirmières en RÉ sont le sens de la débrouillardise, l’intérêt pour les situations nouvelles, une nature calme et assurée et une bonne capacité d’autocritique. Ah oui et la capacité de fonctionner avec très peu d’heures de sommeil ;) 

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